Mercredi 12 novembre, les députés se prononceront dans l’hémicycle sur la suspension de la réforme des retraites, Ce gage donné aux socialistes dans ce qui s’apparente être un accord de non-censure a néanmoins un coût, au moins 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard en 2027. Une lettre rectificative prévoit donc son financement par une hausse du taux de la contribution des organismes complémentaires qui passera de 2,05 % en 2,25 % en 2026 et la sous-indexation des pensions des retraités par rapport à l’inflation, initialement prévue à 0,4 point, sera augmentée de 0,5 point supplémentaire en 2027.
Depuis, Sébastien Lecornu s’est engagé à ne pas geler les pensions des retraités et mercredi dernier les députés ont adopté un amendement de Jérôme Guedj (PS), avec le soutien d’une bonne partie du camp gouvernemental, pour faire progresser la Contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital. L’amendement est destiné à financer la suspension de la réforme des retraites. Une question se pose pour les sénateurs. Quelle copie du projet de loi va arriver à la chambre haute si un amendement de suppression de la suspension de la réforme est adopté mercredi ?
L’engagement du gouvernement » à transmettre au Sénat « tous les amendements votés » sur les textes budgétaires va se heurter à celui de Sébastien Lecornu sur la suspension la réforme. Une question somme toute rhétorique puisque Gérard Larcher l’a de nouveau affirmé jeudi. Le Sénat à majorité de droite rétablira de toute façon la réforme des retraites de 2023, lors de l’examen du budget de la Sécu qui démarre le 19 novembre en séance publique.
Votée ou pas par les députés, la question de la suspension de la réforme des retraites va quand même cristalliser dans l’hémicycle les divergences stratégiques des trois groupes de gauche, socialiste, communiste et écologiste. En commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, les socialistes ont été les seuls à voter en faveur de la suspension. Communistes et écologistes ont préféré l’abstention.
Au Sénat, les élus des trois groupes de gauche se sont déjà réunis en intergroupe. Une prochaine réunion est prévue mercredi 12 en fin de journée au moment où les députés examineront la suspension de la réforme des retraites. Ils ont déjà pu acter leur différence de vues.
Patrick Kanner, le président du groupe socialiste considère que l’examen de la mesure de suspension sera « l’épreuve de vérité » pour les sénateurs de gauche. Et il ne comprend pas comment la gauche pourrait « s’abstenir ou voter contre une mesure majeure que nous avons toujours demandée, et que nous avons sollicitée dès le départ de François Bayrou ».
« Je ne me fais pas acheter pour un plat de lentilles »
« Il ne s’agit pas d’une suspension de la réforme mais d’un décalage de trois mois pour une classe d’âge. Je ne me fais pas acheter pour un plat de lentilles. De notre côté, nous continuerons de demander l’abrogation de la réforme des retraites », lui répond la présidente du groupe communiste, Cécile Cukierman. « Je l’ai déjà dit à Patrick Kanner, on ne peut pas donner des leçons de gauche si on est le parti qui sauve la macronie. Je constate que c’est le PS pourrait permettre au gouvernement de faire passer un budget qui est l’équivalent de celui de Michel Barnier ».
La sénatrice Ecologiste, Anne Souyris, reconnaît que si les rencontres intergroupes ont pour but de « former au maximum un bloc à gauche », « ce n’est pas un nirvana absolu ». A écouter ses partenaires de gauche, les socialistes se seraient trompés de totem en s’arc-boutant sur la suspension de la réforme des retraites. « Les socialistes savent très bien que leurs militants ne sont pas très contents de ce qui est en train de sortir de ce budget. On ne va pas voter le sacrifice de la Sécu sociale avec un Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie, ndlr) qui n’augmente que 1,6 %, un doublement des franchises médicales… Pour un simple décalage de la réforme des retraites », mets dans la balance la sénatrice écologiste.
« On assume être dans la négociation »
« On assume être dans la négociation et la suspension de la réforme était le point d’orgue de cette négociation », se défend Patrick Kanner. « Après on peut être dans la surenchère et demander la retraite à 60 ans et la taxe Zucman ou rien. Mais demander toujours plus, ça peut aboutir à complétement rien. Le budget n’est pas parfait mais il est mieux que la maquette initiale. Et je rappelle que nous socialistes, ne le voteront pas ».
Les socialistes ont bien compris que sous la Vème République, voter le budget gouvernement, signifie participer à la majorité. Avec le renoncement du Premier ministre à l’article 49.3, le PS est sur une ligne de crête. Il doit non seulement s’assurer que la quasi-unanimité de ses députés s’abstienne lors du vote final, mais aussi que ses partenaires de gauche, hors LFI fassent de même, pour que le budget et les avancées obtenues soient adoptées.
« Bruno Retailleau a enterré Lecornu I. J’ai l’impression que Gérard Larcher ne va enterrer Lecornu II »
En additionnant les voix du RN, de l’UDR et LFI, au moins 209 députés devraient rejeter le budget. Reste à trouver 210 députés, soit exactement le nombre de députés EPR, LR, Démocrates et Horizons, pour le voter. Un équilibre précaire qui nécessite l’abstention des autres groupes. Mais encore faudrait-il que la plateforme de stabilité constitue un bloc uniforme, ce qui est loin d’être le cas.
« Nos électeurs n’attendent pas de nous une abstention pour sauver ce qui reste de la macronie. Dans ces conditions, il aurait mieux valu censurer le gouvernement tout de suite, plutôt que de donner de faux espoirs aux gens », constate Cécile Cukierman.
Pour Anne Souyris, la solution doit venir aussi de la droite sénatoriale. « Mais elle ne fait aucun effort pour chercher un compromis. Bruno Retailleau a enterré Lecornu I. J’ai l’impression que Gérard Larcher ne va enterrer Lecornu II ». En cas de censure, le Premier ministre a prévenu les présidents de groupes du Sénat, elle « vaudra démission » et « dissolution ». Une fin d’année riches en rebondissements en perspective.

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