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Gérard Larcher propose Philippe Bas pour intégrer le Conseil constitutionnel

« Il est le gardien du temple. Il fait respecter la règle du jeu parlementaire, et d’autre part, il veille à ce qu’aucun principe fondamental ne soit mis en péril par une loi qui vient d’être votée. » C’est en ces termes que Philippe Bas résumait le rôle du Conseil constitutionnel, en avril 2023, à la veille d’une décision très attendue sur la réforme des retraites. Le sénateur LR de la Manche va prochainement être acteur de cette institution clé de la République. Le président du Sénat Gérard Larcher a proposé son nom, pour l’un des trois membres (sur neuf) renouvelés cette année. Sa nomination doit être validée par un vote de la commission des lois du Sénat le 19 février.

L’enchaînement est presque logique pour l’ancien président de la commission des lois du Sénat, responsabilité qu’il a assumée de 2014 à 2020. Élu parlementaire depuis 2011, cet énarque de 66 ans renoue désormais avec une fonction moins exposée.

Du cabinet ministériel de Simone Veil au secrétariat général de l’Elysée

Passé par le Conseil d’État, Philippe Bas a fait ses premières armes dans le monde de la politique côté coulisses, en intégrant plusieurs cabinets ministériels dans les années 90, notamment à la Santé ou aux Affaires sociales. Sa route croise celle de Simone Veil, dont il devient l’un des conseillers. Trente ans plus tard, le sénateur LR a participé à faire bouger les lignes dans sa famille politique au sujet de la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de la grossesse. « J’ai mis du temps à devenir un homme politique. J’ai grandi dans l’ombre de personnalités que j’ai admirées », confiait-il dans son livre Les Chemins de la République (Editions Odile Jacob, 2019).

Les choses s’accélèrent en 1997, lorsqu’il devient l’un des hommes de confiance de Jacques Chirac. Philippe Bas est nommé conseiller social, puis secrétaire général adjoint de l’Elysée, et enfin secrétaire général après l’élection présidentielle de 2002. Sous l’autorité de Dominique de Villepin, il accède à partir de 2005 à des fonctions gouvernementales, d’abord comme ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille, puis comme ministre de la Santé. C’est sous sa responsabilité que la grande loi sur le handicap, dont on fête cette année le 20e anniversaire, est élaborée.

Un ancrage en Normandie

Son ancrage territorial commence sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mis en échec aux législatives de 2007, en raison d’un candidat dissident à droite, il devient finalement conseiller général de la Manche à partir de 2008. Le département normand devient pour Philippe Bas ce que la Corrèze représentait pour Jacques Chirac, d’abord dans le canton de Saint-Pois, avant de finir dans celui de Villedieu-les-Poêles, son fief actuel. Il préside brièvement le conseil départemental de 2016 à 2017, juste avant que la loi contre le non-cumul des mandats n’entre en vigueur. Philippe Bas renonce à un exécutif local et fait le choix du Parlement.

C’est en 2011 qu’il fait son entrée au Parlement, avec son premier mandat sénatorial à l’âge de 53 ans. En 2014, quand le Sénat rebascule à droite, il est élu à la tête de la prestigieuse commission des lois, où il restera six années. Cette période est un moment clé pour cette commission, avec l’instauration de l’état d’urgence et la multiplication de lois sécuritaires. Elle est en première ligne dans la volonté du Sénat d’assurer son rôle de gardien des droits et libertés fondamentaux. En 2020, la pandémie de Covid-2020 amène elle aussi son cortège d’enjeux lourds en matière de libertés fondamentales. Celui qui avait fait placarder une grande reproduction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 sur les murs de la salle de la commission lance avec ses collègues une mission de contrôle pour suivre l’impact de l’état d’urgence sanitaire sur les libertés et la vie démocratique du pays. En 2021, le sénateur estime que le gouvernement est allé « trop loin » en matière de restriction et que le Parlement n’a pas été suffisamment associé.

De l’ombre à la lumière avec la commission d’enquête Benalla

Avec la nouvelle donne politique de 2017 et l’émergence d’un « nouveau monde », le Sénat s’affirme plus que jamais comme un contre-pouvoir. Philippe Bas en est l’un des visages. C’est la commission d’enquête sur l’affaire Benalla qui le révèle dans l’opinion. Durant six mois, le discret sénateur de la Manche mène les auditions avec minutie, dans un mélange de ténacité et de courtoisie, avec un soupçon d’humour pince-sans-rire. « C’est un grand serviteur de l’État qui a des convictions très profondes. Il a montré que le Sénat est un contre-pouvoir qui fonctionne. Il est très respectueux des personnes mais il peut manier parfois un peu l’ironie. Il est très joueur. C’est un facétieux », disait de lui le sénateur LR François-Noël Buffet, qui a lui succédé à la tête de la commission des lois de 2020 à 2024.

Pendant plusieurs mois, la commission tient les Français en haleine. Le feuilleton installe également un sérieux coup de froid dans les relations entre l’exécutif et le Sénat. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Christophe Castaner accuse la commission d’enquête d’avoir des « ambitions politiques », et d’outrepasser son rôle pour faire tomber Emmanuel Macron. Alexandre Benalla, au centre des auditions, a même qualifié Philippe Bas de « petit marquis », avant de s’en excuser lors de sa première audition.

Avec le socialiste Jean-Pierre Sueur, auteur d’une proposition de loi constitutionnelle, le sénateur de la Manche s’investit également dans un autre combat, celui de l’encadrement dans le recours aux ordonnances. Depuis 2017, et de façon plus visible encore pendant la crise sanitaire, cette façon de légiférer a fortement progressé, excluant de fait les parlementaires d’une partie de leurs prérogatives.

Auteur de plusieurs propositions de loi, Philippe Bas s’est illustré par l’adoption au Sénat d’un texte visant à « redresser la justice ». Bien avant le projet de loi de programmation, son texte déposé à l’été 2017 et adopté en octobre prévoyait une progression des crédits de la Justice de 5 % par an sur la période de 2018 à 2022, pour atteindre près de 11 milliards d’euros.

Une nouvelle page s’ouvre désormais pour le sénateur normand qui s’inquiétait en 2019 sur notre antenne d’une « forme d’éloignement entre la République et les citoyens ».

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