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Éducation à la sexualité à l’école : après les polémiques, Élisabeth Borne dévoile un programme « recentré »

Attendu depuis 2023, victime des polémiques et de la valse des ministres à l’Education nationale, le programme des cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (Evars) sera examiné par le conseil supérieur de l’éducation à la fin du mois. Après un vote consultatif de l’instance, le texte pourra encore faire l’objet de dernières modifications, avant son entrée en vigueur prévue pour la rentrée 2025.

Le déploiement de ces cours devrait permettre, à terme, de véritablement mettre en œuvre la loi de 2001, qui instaure l’obligation de trois séances de cours d’Evars par an, du CP à la terminale. Dans les faits, selon un avis du Conseil économique, social et environnemental publié l’an dernier, moins de 15 % des élèves bénéficient de ces cours.

« On a fait le contraire de ce qu’il faut faire lorsqu’on construit un programme »

C’est Pap Ndiaye, lors de son passage au ministère de l’Education nationale entre 2022 et 2023, qui avait remis le chantier de l’application de la loi de 2001 sur la table, en demandant au Conseil supérieur des programmes (CSP) d’élaborer une feuille de route. Publiée en mars 2024, la copie du CSP a fait l’objet de consultations, en vue de son entrée en vigueur au mois de septembre. Une méthode de travail vivement contestée par une large partie des sénateurs Les Républicains. En décembre dernier, ils étaient une centaine à manifester leur mécontentement dans une tribune, publiée par Le Figaro.

« On a fait le contraire de ce qu’il faut faire lorsqu’on construit un programme », dénonce Max Brisson, initiateur de la tribune avec le président du groupe LR au Sénat Mathieu Darnaud. « La bonne méthode, c’est de consulter les organisations en amont, puis de laisser les professionnels du CSP faire leur travail. Dans cette affaire, on a mis le travail du CSP en débat, on l’a soumis à des associations en aval. L’élaboration des programmes scolaires c’est un sujet de professionnels, pas de militants ! »

Pour le sénateur, le texte initial, issu des travaux du CSP, « ne faisait aucune polémique », « mais il a ensuite été bousculé dans le sens de la vision de certaines associations marquées par un sceau idéologique, comme le Planning familial ». Un sujet en particulier a hérissé les sénateurs Les Républicains : l’occurrence du terme « identité de genre » dans le programme. « Le programme du CSP y faisait référence à deux reprises, après le filtre des associations c’est passé à 17 fois », énumère Max Brisson.

« Les pressions des plus extrémistes continuent »

Une polémique, également relayée par plusieurs associations de droite catholique, à laquelle la nouvelle ministre de l’Education nationale Élisabeth Borne a répondu lors de son arrivée Rue de Grenelle. Au micro de France Inter ce 23 janvier, la numéro 2 du gouvernement a présenté un programme remanié. « Les occurrences concernant l’identité de genre ont été réduites, sans être totalement supprimées. La notion n’est plus abordée au collège, mais à partir de la seconde, même si la distinction entre sexe et genre reste évoquée dès la classe de 5ème », a-t-elle expliqué.

Une annonce qui semble soulager les voix critiques du précédent programme. « La version définitive du texte sera certainement recentrée », salue Max Brisson. « De ce que j’ai vu pour le moment, le programme est beaucoup plus consensuel que les fuites polémiques dont il a fait l’objet. Si on se limite à la présentation que j’ai pu en voir, je ne vois honnêtement pas ce qui pourrait choquer », estime de son côté le sénateur Les Républicains Olivier Paccaud.

« Ce qui est essentiel, c’est que ce programme soit acté. Mais les modifications de ces derniers jours montrent que les pressions des plus extrémistes continuent », déplore au contraire Colombe Brossel. Pour la sénatrice socialiste, même si le programme entre en application, « le combat culturel doit continuer » : « L’extrême droite a dévoyé la notion d’identité de genre en parlant de « théorie du genre », un concept qui n’existe pas. Là où je suis abasourdie, c’est que des parlementaires qui ne sont pas d’extrême droite relayent ces positions, y compris en partageant certaines fake news ». Pour sa collègue Laurence Rossignol, l’enseignement de la notion d’identité de genre aux élèves dans les cours d’Evars reste d’ailleurs primordial. « L’identité de genre, c’est la construction sociale du sexe, ainsi que tous les stéréotypes qui peuvent être associés au sexe féminin ou masculin. Je ne vois pas vraiment comment on peut promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes sans aborder cette notion », explique la sénatrice socialiste.

Des cours obligatoires, mais avec quels moyens ?

Pour que ces cours soient véritablement mis en place, l’Education nationale doit désormais mettre les moyens en œuvre pour permettre leur déroulement. Un point sur lequel les sénateurs, de droite comme de gauche, seront particulièrement attentifs. « Les cours d’Evars sont aujourd’hui principalement assurés par des infirmières scolaires, des médecins scolaires et des associations. C’est un métier, ils doivent être formés pour dispenser ces cours et des moyens doivent être engagés pour permettre cette formation », estime Laurence Rossignol. Pour la sénatrice socialiste, les compétences particulières nécessaires pour dispenser ces cours sont davantage partagées par les associations, notamment féministes, à l’image du Planning familial.

Une position que ne partage pas son collègue, le sénateur Les Républicains Olivier Paccaud. « Les enseignants devraient pouvoir être formés pour réaliser ces séances si nécessaire, mais ils doivent rester les interlocuteurs privilégiés. Il faut faire attention à qui s’adresse aux enfants et limiter le rôle d’associations trop militantes », indique-t-il.

Quoi qu’il en soit, former les enseignants au bon déroulement de ces cours d’éducation à la vie sexuelle, relationnelle et affective nécessitera le déploiement de moyens. Ceux-ci semblent pour le moment manquer, alors que le Sénat vient d’adopter un projet de loi de finances marqué par de nombreuses coupes, notamment sur le volet éducation. À l’occasion de l’examen de la mission enseignement par la chambre haute, Laurence Rossignol avait d’ailleurs interrogé Élisabeth Borne sur le budget alloué à l’instauration de ces séances dès la rentrée prochaine. Une question pour le moment restée sans réponse.

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