Les consultations s’enchaînent, rue de Bercy. Après avoir reçu dans la soirée de mercredi le PS, les Ecologistes et le PCF réunis, suscitant l’ire de Jean-Luc Mélenchon, le ministre de l’Economie, Eric Lombard, et celle des Comptes publics, Amélie de Montchalin, ont reçu ce jeudi matin, pendant 1h30, les responsables LR. Le président du groupe des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, était présent, aux côtés de son homologue du groupe LR du Sénat, Mathieu Darnaud, déjà reçu mardi, ainsi que les députés Jean-Didier Berger et Philippe Juvin et la sénatrice LR Christine Lavarde.
Peu de choses concrètes filtrent de ces conclaves pré-budget. Du côté de Bercy, on parle cependant de « réunion de travail ultra-concrète, très précise. Avec parfois du ligne à ligne », explique un conseiller. Bref, « on est dans le dur ». Mais rien ne fuite. Et c’est le but. « On ne veut pas lancer de ballon d’essai. C’est très bien que ces discussions restent entre ministres et groupes politiques. Ce sera une discussion productive, tant qu’elle n’est pas dans la presse », explique le même conseiller, « notre objectif, c’est que ça marche ».
« Pas de hausse d’impôts et la réduction des dépenses publiques »
Encore faudrait-il ne pas braquer l’une des parties. Alors que les projecteurs se braquent sur la gauche, qui tente d’obtenir du gouvernement des avancées sur la fiscalité ou les retraites, qui permettrait une non-censure, les LR semblent moins courtisés. La grosse différence : ils sont toujours au gouvernement, à l’image du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Ils sont donc bien en « soutien au gouvernement, mais un soutien vigilant », explique-t-on dans l’entourage de l’un des parlementaires reçus.
Car les LR ont aussi, non pas des lignes rouges, mais « des exigences fortes », explique à publicsenat.fr Mathieu Darnaud. « On attend, conformément à ce que nous a dit le premier ministre et ce sur quoi il s’était engagé, que ça puisse trouver un écho favorable, dans un budget qui sera examiné au Sénat. On a aussi une part de notre capacité à agir, entre nos mains », souligne le président du groupe LR, alors que les débats reprendront là où ils ont été suspendus, au début de la partie dépenses. Les sénateurs siégeront du 15 au 23 janvier sur le PLF.
« Nous avons rappelé ce qui est pour nous une priorité absolue : pas de hausse d’impôts et la réduction des dépenses publiques », explique celui qui a succédé à Bruno Retailleau au groupe LR. Soit deux points défendus classiquement par la droite.
« Faire en sorte que les opérateurs de l’Etat puissent parfois fusionner »
Ça tombe bien, le gouvernement cherche davantage d’économies. Les ministres ont-ils donné des pistes ce matin ? « Non, justement, c’est l’objet du travail », explique le sénateur LR de l’Ardèche. Une piste d’économies revient régulièrement : celle des agences. « C’est vraiment quelque chose qu’on évoque à chaque rencontre. Et qu’on continuera à évoquer. Car il y a lieu à réduire la dépense publique et peut-être à faire en sorte que les opérateurs de l’Etat puissent parfois se regrouper, parfois fusionner, ou tout simplement, qu’on ait la capacité à réduire la voilure, notamment quand ce sont des missions assumées pour partie par l’Etat territorial », avance Mathieu Darnaud.
Les LR ont déjà par exemple « déposé un amendement sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires, ou sur d’autres agences. On est tout à fait enclin à le faire avec le respect des missions de ces agences ». Il ajoute : « C’est un serpent de mer. Si on ne prend pas un point de départ, à un moment donné, on n’y arrivera pas. On sait en plus que le travail de certaines agences pourrait être demain confié à des collectivités ».
Reste au moins un point précis, qui ressort de ces échanges : « J’ai obtenu que soit sanctuarisée la solution trouvée par le Sénat pour protéger l’investissement des collectivités territoriales », soutient Mathieu Darnaud. Pour rappel, le Sénat veut ramener de 5 à 2 milliards d’euros l’effort demandé aux collectivités. « Un accord courageux », a salué dans Le Parisien Amélie de Montchalin. « On a beaucoup dit ce matin qu’il en va de la capacité d’investissement des collectivités et, très clairement, du dynamisme économique », souligne le patron des sénateurs LR. Pour caler encore certains points, le rapporteur général du budget au Sénat, le sénateur LR Jean-François Husson, est allé rendre visite, mercredi après-midi, au nouveau ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen.
« Sur les retraites, si tant est qu’il y ait une décision, le gouvernement nous en aurait parlé ce matin »
Et quid alors des retraites ? En sortant de Bercy, la gauche a salué une ouverture. Le gouvernement ne présente « pas de véto », a expliqué jeudi matin sur TF1 le numéro 1 du PS, Olivier Faure, précisant : « Sur l’ensemble, y compris sur l’âge » de départ à la retraite, relevé de 62 à 64 ans par la réforme de 2023. Petit problème : devant les LR, les ministres semblent ne pas avoir tenu le même discours…
« Clairement, ils nous ont dit que pour l’instant, il n’y avait pas de changement. Pour eux, à ce stade, il n’y a pas de changement acté par rapport à l’existant », assure Mathieu Darnaud, qui insiste : « Si tant est qu’il y ait une décision, le gouvernement nous en aurait parlé ce matin ». A moins qu’il cherche à ne pas froisser (tout de suite) son allié LR… ou qu’il mène en bateau la gauche. Réponse certainement le 14 janvier, lors du discours de politique générale.
La droite ne semble en tout état de cause pas être dans une optique du tout ou rien. « Tout le monde a à cœur qu’il y ait un budget voté. Quand on sait les conséquences que pourrait entraîner une nouvelle censure, sur la hausse des taux d’intérêt, en matière d’emprunt », met en garde le président du groupe LR du Sénat. Mais Mathieu Darnaud a besoin d’en savoir plus, pour se prononcer clairement : « S’il doit y avoir des évolutions, des inflexions, il faut qu’on les connaisse. On veut juger sur pièce ».