« Ne surestimons pas le rôle de l’élection présidentielle américaine »
Est-ce que les Etats-Unis peuvent mettre fin à la guerre au Proche-Orient ? Pour Bertrand Badie, pas à l’heure actuelle. Le spécialiste pointe l’absence de résultats concrets des visites dans la région du Ministre des Affaires étrangères américain, Antony Blinken : « Le secrétaire d’Etat est allé 11 fois en un an au Proche-Orient, pour l’instant le bilan est de 0 ». Il observe que « les Etats-Unis se rendent compte, pour la première fois dans l’histoire du conflit israélo-palestinien, qu’ils n’ont plus du tout la main ».
Sur l’impact de l’élection présidentielle du 5 novembre prochain sur ce conflit, le spécialiste en relations internationales est catégorique : « Ne surestimons pas le rôle de l’élection présidentielle américaine […], penser que l’élection d’un nouveau président changera la donne au Proche-Orient est exagéré ». Selon Bertrand Badie, le seul moyen de changer la donne serait que les Etats-Unis arrêtent de livrer des armes à Israël. Or, « à partir du moment où les deux candidats vont continuer [de livrer des armes à l’Etat hébreu], ils donneront blanc sein au gouvernement de Benjamin Netanyahou ».
« L’Iran a tout une gamme de réactions possibles dont les attaques par missiles ne sont qu’un des éléments »
Suite aux frappes israéliennes qui ont touché Téhéran samedi dernier, l’Iran a annoncé une « réponse appropriée » à ces bombardements. Le spécialiste en relations internationales estime que le terme « approprié » démontre « une volonté de contenir, de ne pas aller trop loin, même si certaines de ces attaques sont spectaculaires ». Néanmoins, sur la manière dont l’Iran pourrait répondre, il observe que « l’Iran a tout une gamme de réactions possibles dont les attaques par missiles ne sont qu’un des éléments ».
Cette volonté de minimiser les conséquences des attaques est, d’après Bertrand Badie, liée à « une connivence entre des acteurs extrêmement différents et antagonistes pour ne pas entrer dans une logique de guerre totale. On trouve dans ce ‘petit club’des gens aussi inattendus que l’Iran, les Etats-Unis qui ont une vision cauchemardesque de ce que pourrait être une guerre totale sur laquelle ils n’auraient pas la main, le Hezbollah, qui n’a pas envie d’être déraciné de ses positions institutionnelles au Liban et surtout l’ensemble des pays du monde arabe qui ont dénoncé l’attaque israélienne ».
Dimanche dernier, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a proposé une trêve de deux jours à Gaza, afin d’échanger les quatre otages israéliens contre des prisonniers palestiniens. Une proposition que Bertrand Badie qualifie de « formidable pour les familles des quatre otages concernés », mais admet néanmoins que ce cessez-le-feu temporaire ne garantirait pas la paix : « Il ne faut pas oublier que la paix, ce n’est pas une trêve, c’est une solution en profondeur ».
« L’Histoire a montré qu’éliminer un chef terroriste ou de résistance n’a jamais changé le cours des choses »
Par ailleurs, le spécialiste en relations internationales estime que les morts d’Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah ou de Yahya Sinouar, chef du Hamas et architecte de l’attaque du 7 octobre, ne vont pas entraîner un cessez-le-feu au Proche-Orient. Il assure que « l’Histoire a montré qu’éliminer un chef terroriste ou de résistance n’a jamais changé le cours des choses, sauf peut-être à renforcer la dynamique de la guerre ».