C’est l’autre « Marine » de la politique française, mais sur des valeurs diamétralement opposées. Marine Tondelier est en passe d’être reconduite à la tête du parti Les Ecologistes (ex-EELV). Les 16.000 adhérents écologistes avaient jusqu’à ce vendredi, midi, pour désigner leur patron, ou plutôt patronne. Les résultats seront connus samedi.
A la tête de la formation écologiste depuis décembre 2022, celle qui s’est fait petit à petit connaître du grand public a face à elle trois candidats, qui lui contestent son poste : l’ancienne eurodéputée et conseillère régionale des Hauts-de-France, Karima Delli, l’adjointe au maire de Bordeaux, Harmonie Lecerf Meunier, proche de Sandrine Rousseau, et l’adjoint à la maire de Paris, Florentin Letissier.
Premier signe très positif pour Marine Tondelier, en vue du résultat : elle a déjà remporté la semaine dernière un premier vote sur la désignation d’une partie des membres du conseil fédéral, le Parlement du parti. Un joli score de 54 %. Mais en réalité, en deçà de la majorité requise dans le parti car les votes nécessitent d’atteindre le seuil de 60 % au conseil fédéral.
« Elle est parfois assez sans filtre, elle est directe et marque les esprits quand elle intervient »
Reste que l’issue ne fait pas de doute, selon ses soutiens au sein du groupe écologiste du Sénat, qui compte une majorité en faveur de la secrétaire nationale sortante. Thomas Dossus, sénateurs Les Ecologistes du Rhône, pense qu’elle sera reconduite « au regard de la popularité qu’elle a dans le parti. Il suffit de faire un déplacement, quel que soit le territoire, pour s’en rendre compte. On a eu beaucoup de nouveaux militants après le Nouveau front populaire. Elle a joué un rôle moteur. Et elle a fait revenir des gens qui étaient partis ». « Elle a incarné le parti comme il le fallait. Sa franchise et sa sincérité ont marché. C’est ça qui a été perçu médiatiquement, qu’elle est parfois assez sans filtre. Elle est directe et marque les esprits quand elle intervient », salue Thomas Dossus, qui ajoute qu’« elle a su mettre tout le monde autour de la table à gauche. Elle a marqué des points. Et il y a eu un sursaut de l’écologie grâce à elle ».
« Elle a fait le boulot. Elle a apporté une certaine notoriété au parti. Et s’est elle-même autorisé à être connu », ajoute Guy Benarroche, sénateur Les Ecologistes des Bouches-du-Rhône, qui ajoute qu’« à part Yannick Jadot ou Sandrine Rousseau, il n’y a pas d’écologiste qui ont une certaine notoriété publique ».
Des nouvelles règles « un peu absconses » ou « un grand pas en avant » ?
Si sa réélection semble sur le papier bien partie, elle ne se fait pas sans anicroche. Les opposants internes ont dénoncé les nouveaux statuts, accusant aussi la direction de vouloir museler les voix minoritaires.
« Sur les nouvelles règles, c’est un faux débat. On vient de les changer et elles ont été adoptées par toutes les sensibilités et votées par les militants à plus de 70 % », rétorque Thomas Dossus. Le sénateur écologiste du Rhône reconnaît qu’il y a « peut-être un peu de complexité qui s’est installée, avec des mesures qui se sont avérées un peu absconses, avec 14 votes pour ce congrès », notamment car les militants ne votent plus sur des courants à la proportionnelle, mais pour une série de postes, dont celui de secrétaire national et les deux porte-parole, au scrutin uninominal.
Selon les nouveaux statuts, on ne vote plus sur différentes orientations. Mais « toutes les tendances se sont réunies pour trouver un texte commun. On a cherché une synthèse, et là où il n’y a pas de consensus, il y a eu un vote des militants, lors du congrès régional décentralisé, il y a 10 jours. Avec un vote aussi sur la part régionale du conseil fédéral », explique Guy Benarroche, qui continue : « Puis il y a le congrès national à Paris, ce moment, où on vote pour le texte définitif et sur les différents postes, nominativement : secrétaire national, les deux porte-parole, deux secrétaires nationaux adjoints, un trésorier, et au scrutin de liste, selon les tendances, pour les membres du bureau exécutif ».
Des nouveaux statuts que Guy Benarroche qualifie de « grand pas en avant. Ça permet de se débarrasser de l’existence de motions ou courants », qui impacte la vie et les décisions du parti pendant trois ans. Pendant longtemps, les Verts ont été souvent caricaturés ou raillés pour leur démocratie interne, parfois à l’excès, au risque de compliquer la prise de décision entre les sous tendances.
A propos d’Eric Piolle, « qu’on ne vienne pas dire qu’on purge », affirme Thomas Dossus
Au-delà des statuts, c’est le cas d’Eric Piolle, maire de Grenoble, qui a animé les boucles écolos. Ce dernier, pourtant à l’origine soutien de Marine Tondelier, a souhaité se présenter comme porte-parole, avant d’être exclu de groupes de discussions, pour l’« empêcher d’exposer cette candidature », avait-il accusé dans Le Point. Il a finalement pu réunir le nombre de parrainages nécessaires pour se présenter.
« Sur Eric Piolle, il est juste sorti lui-même du Collectif, le nom de la motion de Marine Tondelier, en voulant candidater contre le candidat qu’on avait choisi collectivement comme porte-parole. On a fait un casting collectif par l’équipe de direction. Après, on peut s’en affranchir mais qu’on ne vienne pas dire qu’on purge. Ce n’est pas le cas », rétorque Thomas Dossus, qui précise qu’« on ne l’a pas supprimé des boucles des Ecologistes. Il a été sorti des boucles du Collectif ».
« Les européennes ont été un échec, même une catastrophe industrielle pour nous »
Le sénateur écologiste du Rhône reconnaît cependant un point plus négatif pour la direction : les élections européennes. « C’est la partie compliquée pour l’équipe sortante. Ça a été un échec, même une catastrophe industrielle pour nous. On a perdu une dizaine de sièges », pointe Thomas Dossus.
Selon le sénateur lyonnais, la tête de liste, « Marie Toussaint, n’avait pas passé le mur du son. Il y avait une erreur de ligne politique. Mais on a su rebondir derrière. Car on n’a jamais eu autant de députés, ni de sénateurs. Marine Tondelier a su redresser la barre du parti après des européennes ratées ».
Stop ou encore avec LFI ?
La suite, ce seront les municipales, où les accords avec les socialistes sont légions dans les villes, et bien sûr la présidentielle. Avec une question essentielle : avec ou sans LFI et Jean-Luc Mélenchon ? Le sujet n’est pas encore totalement tranché. « Il y a la volonté d’une candidature commune à gauche, avec tous ceux qui le veulent bien. Le problème, c’est qu’on a certains qui construisent la gauche irréconciliable, alors que nous, on essaie de réconcilier », lance Thomas Dossus. L’idée est de ne pas couper les ponts avec LFI. « On veut être en capacité de parler à tout le monde. Par contre, quand certains à LFI déconnent, on doit être en capacité de le dire », prévient le sénateur du Rhône.
Le rapport à La France Insoumise fait néanmoins débat aussi dans la famille écologiste, pas qu’au PS. « Si vous demandez aux écologistes si le candidat de la gauche doit être Mélenchon, la réponse va être non », soutient pour sa part Guy Benarroche. « Nationalement, on ne peut pas continuer dans un accord avec LFI, tant que LFI est représenté entre autres par la voix de Jean-Luc Mélenchon ou Sébastien Delogu à Marseille. Ce n’est pas qu’il faut couper, les liens se coupent de manière automatique. Dans une interview, Sébastien Delogu dit qu’il n’ira pas avec le maire Benoît Payan », ajoute l’élu des Bouches-du-Rhône.
Pour la présidentielle, « Marine Tondelier a les épaules »
Pour la présidentielle, le camp Tondelier ne fait cependant pas d’un candidat écolo un préalable… Sans vouloir l’exclure non plus. Y compris avec une candidature Marine Tondelier ? « Si le processus le permet, pourquoi pas », lâche Thomas Dossus, « je sais qu’elle a les épaules. Après, l’ambition, ça viendra selon la façon dont le processus se met en place. Ça peut être elle, ou quelqu’un d’autre ». « Ça pourrait être elle. Ça ne me choquerait pas », appuie Guy Benarroche. « Après, ce n’est pas forcément un écologiste. C’est un candidat qui sera consensuel. Mais un certain nombre de militants estiment qu’il faut absolument que ce soit un candidat écolo », remarque le sénateur des Bouches-du-Rhône. Les Ecologistes ont changé leurs statuts, mais si les écolos étaient d’accord sur tout, ça se saurait. Et ce ne serait plus tout à fait les écologistes.