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Benyamin Netanyahou visé par un mandat d’arrêt international : « La CPI vient de faire sauter un nouveau verrou »

Un tournant pour la justice internationale. Ce jeudi 21 octobre, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant, son ancien ministre de la défense. Pour la première fois depuis la création de cette institution, en 2002, des responsables politiques sont inculpés contre la volonté des Occidentaux.

Les deux Israéliens sont poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour des faits allant « au moins » du 8 octobre 2023, au lendemain de l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas, jusqu’à « au moins » le 24 mai 2024, jour où le procureur de la CPI, Karim Khan, avait officialisé la demande de mandats d’arrêt à leur encontre. Les juges estiment qu’ils ont trouvé « des motifs raisonnables » de croire que le premier ministre israélien et Yoav Gallant sont responsables de plusieurs actes : « Crimes de guerre de famine comme une arme de guerre, crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains ». Dans le même temps, la chambre a émis un mandat d’arrêt contre Mohammed Deïf, le chef de la branche militaire du Hamas, probablement mort dans un bombardement en juillet dernier, sans que son corps soit retrouvé.

« Il se passe quelque chose d’important »

Avec ce mandat d’arrêt lancé contre Benyamin Netanyahou, « il se passe quelque chose d’important », pour Sévag Torossian, avocat pénaliste au barreau de Paris et auprès de la CPI. « Avant, les personnes inculpées étaient toujours des responsables du tiers-monde. La Cour ne s’attaquait pas aux puissances », précise-t-il. Une nouvelle page s’est d’abord tournée avec Vladimir Poutine. En mars 2023, des mandats d’arrêt sont émis par la Cour pénale internationale contre le président russe et sa commissaire aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova. La juridiction suppose leurs responsabilités dans les transferts illégaux d’enfants lors de l’invasion de l’Ukraine.

« Aujourd’hui, dans une autre situation conflictuelle, contestée par les uns et les autres, on s’attaque à un conflit majeur, c’est un nouveau verrou qui vient de sauter », abonde Sévag Torossian. L’avocat y voit « un test pour la coopération internationale en matière pénale ». Les 124 pays qui ont ratifié le Traité de Rome – officialisant le statut de la CPI – ont l’obligation d’arrêter Benyamin Netanyahou et de l’extrader à la Haye s’il se rend dans leur pays. Si les Etats-Unis, Israël, la Russie ou la Chine n’en sont pas signataires, tous les pays européens reconnaissent l’institution. Cependant, aucune sanction n’est prévue si un Etat ne respecte pas la décision de la CPI. Preuve en a été faite en septembre dernier quand Vladimir Poutine s’est rendu en Mongolie – pays qui a ratifié le Traité de Rome – sans être arrêté par les autorités locales.

« Il était temps que la CPI prenne une décision »

Cette nouvelle est un « soulagement » pour Emmanuel Daoud, inscrit sur la liste des avocats auprès de la CPI. Conseiller de trois ONG palestiniennes (PCHR, Al-Haq et Al Mezan), il avait déposé, en novembre 2023, une demande de mandats d’arrêt international contre les personnes soupçonnées de crimes de guerre au sein du gouvernement et de l’administration israélienne, dont Benyamin Netanyahou. « Il était temps que la Cour pénale internationale prenne une décision. Elle était en train de perdre toute crédibilité. C’est simplement l’application du droit et tout le monde devrait s’en réjouir », indique-t-il. Et de préciser : « Si Monsieur Netanyahou et Monsieur Gallant sont mis en cause pénalement, ils bénéficient toujours de la présomption d’innocence ». Depuis sa création, la CPI a engagé 32 procédures pour des allégations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocide et d’atteintes à l’administration de la justice. Quatorze d’entre elles, soit environ 40 %, sont toujours en cours, essentiellement car les suspects sont encore en liberté.

Le Premier ministre de l’Etat hébreu sera-t-il jugé ? Emmanuel Daoud en est « convaincu », tout comme Vladimir Poutine, contre lequel il avait aussi saisi la Cour pénale internationale pour « déportation massive et forcée d’enfants ukrainiens ». Aujourd’hui, Benyamin Netanyahou « est dans la même situation qu’un criminel ou trafiquant de drogue », assure-t-il. « Quand on est avocat, on croit au fonctionnement de la justice. Ce type de décision, c’est pas pour faire joli, ça entraîne des conséquences », poursuit le spécialiste du droit international.

Joe Biden juge la décision de la CPI « scandaleuse »

En apprenant cette procédure, le cabinet de Benyamin Netanyahou l’a comparé à « l’équivalent moderne de l’affaire Dreyfus », tout en se demandant dans quelle mesure les juges de la CPI étaient « mus par une haine antisémite d’Israël ». Le président de l’Etat hébreu, Isaac Herzog, déplore « un triste jour pour la justice et l’humanité ». Il estime que la Cour pénale internationale a « choisi de se mettre du côté de la terreur et du mal, plutôt que de la démocratie et de la liberté ».

Principal allié d’Israël, les Etats-Unis « rejettent catégoriquement la décision de la Cour d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens », a réagi un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. De son côté, Joe Biden juge cette décision « scandaleuse ». Le président américain a indiqué qu’il n’y a « aucune équivalence entre Israël et le Hamas, quoi que puisse sous-entendre la CPI », alors que la juridiction internationale a aussi émis un mandat d’arrêt contre le chef de la branche armée du Hamas. Un argument repris par le Collectif du 7 octobre, organisation française qui demande la libération des otages israéliens, dans un communiqué. Le futur conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, Mike Waltz, a lui promis « une réponse forte » au « biais antisémite » de la CPI quand le président élu prêtera serment en janvier.

La division des Européens

De leur côté, les Européens ne sont pas unanimement derrière la Cour pénale internationale. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, a bien affirmé que les mandats d’arrêt devaient être « respectés et appliqués ». Plusieurs pays sont prêts à exécuter la demande de la CPI. D’après une déclaration officielle, l’Espagne compte « se conformer à ses engagements et obligations en vertu du Statut de Rome et du droit international ». Le gouvernement irlandais a indiqué dans un communiqué « soutenir fermement la CPI » et appelle « tous les Etats à respecter son indépendance et son impartialité, en s’abstenant de toute tentative d’affaiblir la Cour ». Les Pays-Bas ont également annoncé qu’ils respecteront la décision de la Cour pénale internationale, tout comme la Belgique.

D’autres, comme la France, sont plus ambigus. Lors d’un point presse au Quai d’Orsay, ce jeudi 21 novembre, le porte-parole de la diplomatie, Christophe Lemoine, a rappelé « l’importance de la CPI », mais a jugé l’arrestation de Benyamin Netanyahou comme étant « un point juridiquement complexe ». Pour sa part, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, a déclaré que son pays serait « obligé d’arrêter le Premier ministre israélien ou son ancien ministre en cas de visite dans le pays ». Mais dans le même temps, le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, s’est montré beaucoup plus prudent : « Nous évaluerons avec nos alliés la manière de réagir et d’interpréter cette décision ». Le porte-parole du gouvernement allemand a lui indiqué « avoir du mal à imaginer que les arrestations puissent être effectuées en Allemagne ».

Certains Européens sont totalement opposés à l’arrestation de Benyamin Netanyahou. En Autriche, le ministre des Affaires étrangères, Alexander Schallenberg, a taclé des mandats d’arrêts « incompréhensibles ». Et d’ajouter : « Il paraît absurde de placer sur le même plan les membres d’un gouvernement élu démocratiquement et le dirigeant d’une organisation terroriste ». Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, a lui invité son homologue israélien à visiter son pays et a promis que le mandat d’arrêt émis contre lui « ne serait pas appliqué ». Son chef de la diplomatie, Peter Szijjártó, a dénoncé « une honte pour le système juridique international », qualifiant cette décision « d’inacceptable » et « d’absurde ».

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